Extrait de l'introduction de la 2ème édition du Marketing, Editions Ellipses
INTRODUCTION
En quelques décennies, la vie du consommateur a changé plus qu’elle ne l’avait fait en plusieurs siècles. Il y a à peine cinquante ans, les Parisiens allaient acheter le lait avec leur bidon de métal chez un B.O.F. (Beurre, Œufs, Fromage), les produits d’entretien chez un marchand de couleurs tandis que les bougnats auvergnats leur livraient le charbon avant de se tenir derrière le zinc de leur bistrot. Depuis, ce qui était la marque de la réussite – le téléphone, la voiture, le téléviseur, le réfrigérateur, une salle de bains, etc. – est devenu l’indispensable.
Avec les évolutions des mentalités, le développement des technologies de l’information et de la communication, la mondialisation des marchés et bien d’autres changements dans nos modes de vie, définir le marketing, en ce début du XXIe siècle, est une gageure.
La solution de facilité serait de considérer que tout le monde sait de quoi il s’agit et qu’il n’est donc pas nécessaire de proposer une définition. Or, bien des malentendus, voire des critiques injustifiées à l’égard de cette discipline, pourraient être évités si une partie du grand public et certains journalistes de la presse non spécialisée n’utilisaient pas ce mot comme un synonyme de vente ou de publicité, de surcroît avec une connotation négative car reflétant l’idée d’une manipulation des esprits, d’une tromperie, d’une influence déguisée et clandestine ou d’une vente forcée. Nombreux sont ceux qui utilisent ce vocable, comme bien d’autres mots américains ou anglais, se terminant en ing de préférence, uniquement pour se grandir aux yeux des profanes ou pour faire in. Ils seront sans doute déçus d’apprendre que ce mot n’est pas si récent que cela.
Les premiers cours de marketing furent dispensés, aux Etats-Unis, au début du XXème siècle, pour certains historiens du marketing, en 1902, par E. Jones à l’Université du Michigan, pour d’autres, en 1905, par James Hagerty à l’Ohio State University. Ces deux économistes américains étaient spécialisés dans les marchés agricoles et, à partir de données fédérales, enseignaient un mélange de distribution, de vente, d’achat et de publicité. Toutefois, de nombreux historiens considèrent que les racines de cette discipline plongent dans l’histoire du commerce, de l’Antiquité, du Moyen âge et plus encore à partir du XVIème siècle et surtout du XIXème siècle.
Le premier auteur spécialisé en marketing est, selon Luc Marco (2006), Charles Coodlidge Parlin qui publia en 1911 un ouvrage de 460 pages sur la recherche commerciale. Parlin est malheureusement moins connu que sa formule souvent galvaudée et dont peu de gens connaissent l’auteur : « le client est roi ». Le premier historien de la pensée du marketing, Robert Bartels, dénombra plus d’un millier d’ouvrages sur le marketing publiés du début du XXème à 1950.
En France, c’est par l’évolution du commerce détail que la réflexion s’est engagée. D’une manière romanesque d’abord, avec Emile Zola qui relate la naissance du commerce moderne dans son livre Au Bonheur des dames (1883). Ensuite, en 1898, avec H. Garrigues qui sortit le premier ouvrage d’économie sur les grands magasins et le petit commerce initiant ainsi un courant de publications sur l’évolution du commerce, la lutte entre le petit commerce, les grands magasins et les coopératives de consommateurs. Selon Luc Marco, « à partir de 1925, la possibilité de préparer des thèses en liaison avec le droit privé a donné lieu à de nombreuses thèses économiques plus spécialisées » et, notamment en 1932-33 sur la publicité, les magasins à prix unique, les maisons d’alimentation à succursales multiples ; puis entre 1935 et le début de la deuxième guerre mondiale, sur la pratique des prix imposés, la vente des articles de marque, etc.
Ce détour historique nous montre que le marketing n’est ni né de nulle part, ni ne fut inventé dans le nouveau monde, laissant à la traîne la déjà vieille Europe. Toutefois, il serait stupide de nier l’importance des praticiens et des chercheurs américains sur le développement du marketing et l’évolution de sa pensée.
Ainsi, depuis les prémices de 1900, douze écoles de pensée différentes ont été identifiées et sont présentées par Isabelle Barth, dans son histoire intellectuelle du marketing (in Marco, 2006) parmi lesquelles :
- L’Ecole des biens (commodity school) qui correspond à la naissance du marketing au tout début du siècle. Elle prend sa source dans l’économie agricole et fut à l’origine de nombreuses classifications des produits dont celle, toujours la plus utilisée et enseignée, qui distingue les biens banaux (shopping goods), les biens anomaux (convenience goods) et les biens spécifiques (specialty goods).
- L’Ecole de la pensée institutionnelle (institutional school of thought) qui se développe en 1910 dans le but de mieux connaître les canaux de distribution et les relations entre les producteurs et les distributeurs : des problématiques que nous revisiterons avec le développement du commerce électronique.
- L’Ecole de la pensée fonctionnelle (functionnal school of thought) qui voit le jour en 1912 et s’intéresse aux diverses fonctions qui incombent au marketing – le transport des marchandises, la vente, la communication, l’innovation, etc. – et qui a donné naissance aux fameux 4Ps de Mac Carthy : product, price, promotion, place.
- L’Ecole de la pensée managériale (managerial school of thought) née à la fin des années 1940 qui est à l’origine de concepts forts, bien que critiqués, tels que ceux du cycle de vie du produit, du marketing-mix, de la segmentation du marché.
- L’Ecole de la pensée du comportement de l’acheteur (buyer behavior school of thought) qui marque une rupture avec les écoles précédentes puisqu’elle s’intéresse à l’individu et non plus aux consommateurs. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, elle a contribué à mieux comprendre les achats des industriels, ceux des services publics et sociaux, l’achat en famille, etc.
Mais arrêtons nous là dans cette évolution théorique – que nous reprendrons à partir des années 1960 dans la suite de cette introduction – pour présenter les composantes essentielles du marketing et leur évolution respective avant de conclure cette introduction par une définition.
Le marketing est à la fois un état d'esprit, une démarche et des techniques permettant à une organisation d'atteindre ses objectifs.
En quelques décennies, la vie du consommateur a changé plus qu’elle ne l’avait fait en plusieurs siècles. Il y a à peine cinquante ans, les Parisiens allaient acheter le lait avec leur bidon de métal chez un B.O.F. (Beurre, Œufs, Fromage), les produits d’entretien chez un marchand de couleurs tandis que les bougnats auvergnats leur livraient le charbon avant de se tenir derrière le zinc de leur bistrot. Depuis, ce qui était la marque de la réussite – le téléphone, la voiture, le téléviseur, le réfrigérateur, une salle de bains, etc. – est devenu l’indispensable.
Avec les évolutions des mentalités, le développement des technologies de l’information et de la communication, la mondialisation des marchés et bien d’autres changements dans nos modes de vie, définir le marketing, en ce début du XXIe siècle, est une gageure.
La solution de facilité serait de considérer que tout le monde sait de quoi il s’agit et qu’il n’est donc pas nécessaire de proposer une définition. Or, bien des malentendus, voire des critiques injustifiées à l’égard de cette discipline, pourraient être évités si une partie du grand public et certains journalistes de la presse non spécialisée n’utilisaient pas ce mot comme un synonyme de vente ou de publicité, de surcroît avec une connotation négative car reflétant l’idée d’une manipulation des esprits, d’une tromperie, d’une influence déguisée et clandestine ou d’une vente forcée. Nombreux sont ceux qui utilisent ce vocable, comme bien d’autres mots américains ou anglais, se terminant en ing de préférence, uniquement pour se grandir aux yeux des profanes ou pour faire in. Ils seront sans doute déçus d’apprendre que ce mot n’est pas si récent que cela.
Les premiers cours de marketing furent dispensés, aux Etats-Unis, au début du XXème siècle, pour certains historiens du marketing, en 1902, par E. Jones à l’Université du Michigan, pour d’autres, en 1905, par James Hagerty à l’Ohio State University. Ces deux économistes américains étaient spécialisés dans les marchés agricoles et, à partir de données fédérales, enseignaient un mélange de distribution, de vente, d’achat et de publicité. Toutefois, de nombreux historiens considèrent que les racines de cette discipline plongent dans l’histoire du commerce, de l’Antiquité, du Moyen âge et plus encore à partir du XVIème siècle et surtout du XIXème siècle.
Le premier auteur spécialisé en marketing est, selon Luc Marco (2006), Charles Coodlidge Parlin qui publia en 1911 un ouvrage de 460 pages sur la recherche commerciale. Parlin est malheureusement moins connu que sa formule souvent galvaudée et dont peu de gens connaissent l’auteur : « le client est roi ». Le premier historien de la pensée du marketing, Robert Bartels, dénombra plus d’un millier d’ouvrages sur le marketing publiés du début du XXème à 1950.
En France, c’est par l’évolution du commerce détail que la réflexion s’est engagée. D’une manière romanesque d’abord, avec Emile Zola qui relate la naissance du commerce moderne dans son livre Au Bonheur des dames (1883). Ensuite, en 1898, avec H. Garrigues qui sortit le premier ouvrage d’économie sur les grands magasins et le petit commerce initiant ainsi un courant de publications sur l’évolution du commerce, la lutte entre le petit commerce, les grands magasins et les coopératives de consommateurs. Selon Luc Marco, « à partir de 1925, la possibilité de préparer des thèses en liaison avec le droit privé a donné lieu à de nombreuses thèses économiques plus spécialisées » et, notamment en 1932-33 sur la publicité, les magasins à prix unique, les maisons d’alimentation à succursales multiples ; puis entre 1935 et le début de la deuxième guerre mondiale, sur la pratique des prix imposés, la vente des articles de marque, etc.
Ce détour historique nous montre que le marketing n’est ni né de nulle part, ni ne fut inventé dans le nouveau monde, laissant à la traîne la déjà vieille Europe. Toutefois, il serait stupide de nier l’importance des praticiens et des chercheurs américains sur le développement du marketing et l’évolution de sa pensée.
Ainsi, depuis les prémices de 1900, douze écoles de pensée différentes ont été identifiées et sont présentées par Isabelle Barth, dans son histoire intellectuelle du marketing (in Marco, 2006) parmi lesquelles :
- L’Ecole des biens (commodity school) qui correspond à la naissance du marketing au tout début du siècle. Elle prend sa source dans l’économie agricole et fut à l’origine de nombreuses classifications des produits dont celle, toujours la plus utilisée et enseignée, qui distingue les biens banaux (shopping goods), les biens anomaux (convenience goods) et les biens spécifiques (specialty goods).
- L’Ecole de la pensée institutionnelle (institutional school of thought) qui se développe en 1910 dans le but de mieux connaître les canaux de distribution et les relations entre les producteurs et les distributeurs : des problématiques que nous revisiterons avec le développement du commerce électronique.
- L’Ecole de la pensée fonctionnelle (functionnal school of thought) qui voit le jour en 1912 et s’intéresse aux diverses fonctions qui incombent au marketing – le transport des marchandises, la vente, la communication, l’innovation, etc. – et qui a donné naissance aux fameux 4Ps de Mac Carthy : product, price, promotion, place.
- L’Ecole de la pensée managériale (managerial school of thought) née à la fin des années 1940 qui est à l’origine de concepts forts, bien que critiqués, tels que ceux du cycle de vie du produit, du marketing-mix, de la segmentation du marché.
- L’Ecole de la pensée du comportement de l’acheteur (buyer behavior school of thought) qui marque une rupture avec les écoles précédentes puisqu’elle s’intéresse à l’individu et non plus aux consommateurs. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, elle a contribué à mieux comprendre les achats des industriels, ceux des services publics et sociaux, l’achat en famille, etc.
Mais arrêtons nous là dans cette évolution théorique – que nous reprendrons à partir des années 1960 dans la suite de cette introduction – pour présenter les composantes essentielles du marketing et leur évolution respective avant de conclure cette introduction par une définition.
Le marketing est à la fois un état d'esprit, une démarche et des techniques permettant à une organisation d'atteindre ses objectifs.
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